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                        "*": "<b>Par Michel Rona</b>\n\nMots-cl\u00e9s : fiscalit\u00e9, recherche, CIR, labels, affichage, indicateurs, AERES, \n\n\nD'apr\u00e8s la banque mondiale, le poids de la R&D dans le PIB s'\u00e9l\u00e8ve en France \u00e0 2.25% (http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/GB.XPD.RSDV.GD.ZS). C'est un montant tout \u00e0 fait honorable, sup\u00e9rieur par exemple \u00e0 celui du Royaume-Uni, de la Norv\u00e8ge, de la Chine ou \u00e0 la moyenne de l'UE. Cette d\u00e9pense est r\u00e9partie dans le ratio deux tiers - un tiers entre les entreprises et le public, l\u00e0 encore une proportion satisfaisante. Alors comment se fait-il que l'\u00e9conomie fran\u00e7aise en b\u00e9n\u00e9ficie si peu ? Quelles mesures prendre pour r\u00e9tablir la situation ?\n\nIl ne manque certainement pas d'autres points dignes d'analyse, mais int\u00e9ressons-nous d\u00e9j\u00e0 \u00e0 quelques aspects du financement, du pilotage, et de l'\u00e9valuation de la R&D.\n\n\n[[Fichier:Bercy.jpg|left]]\n\nLes chiffres de l'INSEE, qu'on trouve parmi les indicateurs du d\u00e9fi \"Soci\u00e9t\u00e9 de la connaissance\" de la Strat\u00e9gie Nationale de D\u00e9veloppement Durable (SNDD), coinc\u00e9s entre les sorties pr\u00e9coces du syst\u00e8me scolaire et les difficult\u00e9s de lecture des jeunes de 15 ans, sont \u00e9tablis par une enqu\u00eate aupr\u00e8s des instituts publics de recherche et des entreprises. Compte-tenu du mode de comptage, il y a toutes les chances que les travaux en coop\u00e9ration public-priv\u00e9 comptent deux fois les montants d\u00e9pens\u00e9s, voire plus lorsque les sous-traitances se font en cascade, mais passons.\nOn peut raisonnablement postuler que l'importance de la R&D men\u00e9e dans le priv\u00e9, sup\u00e9rieure elle-m\u00eame \u00e0 la moyenne de l'UE, doit beaucoup \u00e0 notre Cr\u00e9dit d'Imp\u00f4t Recherche (CIR), puisque la diff\u00e9rence est justement des 0.25% de PIB qu'il repr\u00e9sente.\nComme le fait remarquer le rapport de la cour des comptes (http://www.sauvonsluniversite.com/IMG/pdf/evolution_conditions_maitrise_credit_impot_faveur_recherche.pdf), le principal int\u00e9r\u00eat du CIR est de percer un trou dans le sac fiscal o\u00f9 les entreprises ont la t\u00eate et qui les \u00e9touffe. Il permet aussi de faire appara\u00eetre dans les statistiques de la R&D des d\u00e9penses que les entreprises auraient engag\u00e9es de toute fa\u00e7on si elles en avaient eu les moyens. Si l'on consid\u00e8re les d\u00e9penses qui ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9clar\u00e9es pour b\u00e9n\u00e9ficier du CIR, on aboutit \u00e0 environ 0.9% du PIB auxquels on a \u00e9vit\u00e9 d'aller se faire recenser sous d'autres chapitres de la nomenclature.\n\nL'objectif du CIR, dont il ne se cache pas, est d'atteindre en 2020 le chiffre de 3% du PIB pour la R&D dans l'UE. On ne peut consid\u00e9rer cet objectif sans penser imm\u00e9diatement \u00e0 un autre objectif d'affichage c\u00e9l\u00e8bre, celui non pas d'am\u00e9liorer l'activit\u00e9 mais d'infl\u00e9chir la courbe du ch\u00f4mage. Quand on consid\u00e8re l'impact du CIR sur la R&D, la cour des comptes constate un certain flou, centr\u00e9 autour de la neutralit\u00e9 : 1 euro de cr\u00e9dit d'imp\u00f4t = 1 euro de R&D. Si l'on tient compte des 17% de frais engag\u00e9s par les entreprises pour en b\u00e9n\u00e9ficier et du co\u00fbt de sa perception, on a toutes les chances de se retrouver en territoire n\u00e9gatif. Et si au lieu de consid\u00e9rer le CIR comme une d\u00e9pense de l'\u00e9tat qui induit un montant presque \u00e9quivalent de cette R&D si bonne \u00e0 afficher dans les comparaisons internationales, on le consid\u00e8re comme le retour aux entreprises de 80% d'un montant qu'on aurait pu \u00e9viter de leur pr\u00e9lever, par exemple en diminuant de 4 points l'IS, ou d'un montant \u00e9quivalent d'autres charges qui p\u00e8sent sur elles, et en abolissant le CIR, on arrive \u00e0 la conclusion \u00e9vidente : la poursuite de l'objectif des 3% du PIB de R&D se fait au d\u00e9triment de la bonne marche des entreprises. Il augmente l'affichage en diminuant le montant qu'elles auraient r\u00e9ellement pu affecter \u00e0 leur R&D.\n\nBien entendu, l'id\u00e9e de laisser les fonds dans les entreprises plut\u00f4t que de les leur prendre pour les leur restituer ensuite a quand m\u00eame d\u00fb effleurer quelques t\u00eates parmi nos milliers de fonctionnaires. Il est m\u00eame vraisemblable que quelques uns n'ont pas eu la pr\u00e9sence d'esprit de se cacher sous leur bureau en fermant les yeux et en criant \"La barbe !\" (ce qui est leur mani\u00e8re d'appeler au secours la sainte patronne des sapeurs, mineurs et excavateurs qui est, comme on le sait, aussi la leur). Pourquoi alors ont-ils \u00e9cart\u00e9 le principe de la consolidation ?\n\nLa premi\u00e8re explication qui vient \u00e0 l'esprit est que le montant, en passant par la case \"\u00e9tat\", gonfle d'autant le PIB, et que, comme l\u00e0 encore seul l'indicateur compte, au d\u00e9triment de ce qu'il est cens\u00e9 repr\u00e9senter, il est particuli\u00e8rement mal vu de perdre 0.25 points virtuels, fusse pour en gagner des r\u00e9els si ces derniers ne sont pas en quantit\u00e9 sup\u00e9rieure d\u00e8s la premi\u00e8re ann\u00e9e. La seconde est l'instinct de conservation de son job fort d\u00e9velopp\u00e9 chez le fonctionnaire fiscal qui pr\u00e9f\u00e8re donc, et de loin, que tout aille mal avec lui plut\u00f4t que tout aille bien sans lui.\n\n\n[[Fichier:UsineAGazPetit.jpg|left]]\n\nLa troisi\u00e8me, last but not least, est leur aspiration inn\u00e9e \u00e0 orienter la recherche vers les secteurs qui rapportent des voix aux \u00e9lus qu'ils aiment flatter. Les indicateurs qu'on trouve pour caract\u00e9riser la fameuse SNDD sur le site de l' INSEE (http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/default.asp?page=dossiers_web/dev_durable/developpement_durable.htm) ne manquent pas de m\u00e9rite intrins\u00e8que, mais \u00e0 part un ou deux, que font-ils dans une strat\u00e9gie de d\u00e9veloppement ? Ils servent sans doute de garants de moralit\u00e9 \u00e0 ceux qui soutiennent une science appliqu\u00e9e r\u00e9put\u00e9e n'apporter \u00e0 la soci\u00e9t\u00e9 que v\u00e9nalit\u00e9, au contraire de la recherche fondamentale par rapport \u00e0 laquelle il conviendrait, en bon politiciens, de la \"cliver\" vigoureusement. Si la m\u00e9thode de pilotage aboutissait \u00e0 favoriser les domaines dont les fruits vont m\u00fbrir, cro\u00eetre et se multiplier, on s'en satisferait sans doute. Le contribuable, conscient des enjeux de la recherche et inconscient du processus, apporte d'ailleurs des financements de pas trop mauvais gr\u00e9. Mais on sent bien, par exemple \u00e0 visiter le site de l'Agence Nationale de la Recherche, ses p\u00f4les, laboratoires et initiatives d'excellence et de comp\u00e9titivit\u00e9 pour la gestion sobre, durable, d\u00e9carbon\u00e9e, \u00e9corespectueuse, \u00e9cosyst\u00e9mique et biodiversifi\u00e9e des ressources d'une soci\u00e9t\u00e9 innovante, int\u00e9grante et adaptative dans le cadre des investissements et des d\u00e9fis d'avenir, que ces cr\u00e9dits ne vont pas aller \u00e0 des travaux pr\u00e9sum\u00e9s fertiles mais \u00e0 ceux qui auront le mieux r\u00e9ussi dans un concours de beaut\u00e9 intitul\u00e9 \"Course aux Labels\". Il s'agit, pour ceux qui s'en souviennent, d'une \u00e9preuve analogue au huiti\u00e8me des douze travaux d'Ast\u00e9rix : obtenir le laissez-passer A-38 dans la Maison qui rend fou.\n\n\n[[Fichier:240px-FIAT_Topolino_1948.JPG|left]]\n\nLa s\u00e9lection se fait exactement \u00e0 l'oppos\u00e9 de celle des start-ups par les business angels. Supposons que vous soyez r\u00e9sident d'un pays o\u00f9 de telles pratiques qui court-circuitent les incitations officielles ne sont pas d\u00e9courag\u00e9es. Quand, muni d'une id\u00e9e innovante, vous faites le tour des business angels pour financer votre projet, le premier d'entre eux qui dit oui vous met en selle. M\u00eame s'il ne finance pas la totalit\u00e9, il am\u00e9liore votre cr\u00e9dit aupr\u00e8s des suivants et vous \u00eates rentr\u00e9 dans une boule de neige vertueuse. \n\nDans la recherche fran\u00e7aise, pour les labels qu'il vous faut collectionner sur votre projet comme les \u00e9tiquettes sur la valise d'un globe-trotter, le premier qui dit non vous condamne. Comme les experts que vous rencontrez doivent leur poste \u00e0 leur inutilit\u00e9 dans un v\u00e9ritable laboratoire de recherche, \u00e0 leur sens de l'intrigue courtisane, \u00e0 leur connaissance profonde des termes \u00e0 la mode et \u00e0 leur aptitude \u00e0 \u00e9viter de se mouiller, et que leurs r\u00e9ussites leur rapporteront bien moins pour leur carri\u00e8re que ne leur co\u00fbteront leurs soutiens \u00e0 des projets qui ne d\u00e9bouchent pas, seules termineront le parcours les propositions consensuelles, souples, molles et baveuses. Et au lieu de travailler dans son laboratoire \u00e0 son innovation jackpot potentiel, le chercheur aura pass\u00e9 son ann\u00e9e \u00e0 s\u00e9curiser une subvention, qui ne fera pas sa richesse mais qui garantira au moins la survie de son labo.\nQu'il se console : de toute fa\u00e7on, faute de comp\u00e9tences en gestion d'entreprise, de capitaux autres que ceux d'Oseo ou de la BPI, et d'un cadre adapt\u00e9, le flot de pi\u00e8ces serait probablement rest\u00e9 coinc\u00e9 quelque part dans la machine.\n\n \n[[Fichier:220px-Charlie_Chaplin_-_Modern_Times_%28mechanics_scene%29.jpg|left]]\n\nAlors, \u00e0 quoi servent donc tous ces labels, puisqu'ils prohibent dans les faits la poursuite vers des valorisations fructueuses et rentables des projets o\u00f9 ils se collent ? Deux choses : constituer un vivier de sin\u00e9cures pour des \u00e9valuateurs peu susceptibles d'innover par eux-m\u00eames mais d\u00e9sireux d'occuper des postes prestigieux dans le syst\u00e8me, et justifier par un respect minutieux de la proc\u00e9dure que tout avait bien \u00e9t\u00e9 con\u00e7u, pourtant, pour le succ\u00e8s du projet, quand son \u00e9valuation a posteriori ne se r\u00e9v\u00e8le que mod\u00e9r\u00e9ment flatteuse. En bref, le syst\u00e8me assure lui-m\u00eame sa propre survie, il le faut bien, puisque ce ne sont pas ses r\u00e9sultats \u00e9conomiques qui vont le faire.\n\nAh oui, mais les r\u00e9sultats \u00e9conomiques sont bien difficiles \u00e0 chiffrer ! Tandis que pour \u00e9valuer notre recherche, nous avons un superbe organisme, l' AERES (http://www.aeres-evaluation.fr/Agence/Presentation/Profil-de-l-agence), une sorte d'agence de notation qui en fonction de la conformit\u00e9 du labo de recherche aux poncifs de la gouvernance administrative \u00e0 la fran\u00e7aise va choisir une note entre A et A+, une sorte de label de plus qui ne lui apportera rien mais dont l'absence le p\u00e9naliserait. Attendez, l\u00e0 il y a un fr\u00e9missement, on me dit que l'AERES va \u00e9voluer ..., ah, en un Haut Conseil charg\u00e9 de valider les auto\u00e9valuations r\u00e9alis\u00e9es par les labos eux-m\u00eames. C'est plus relax pour les hauts conseillers, sans doute.\n\nComment se fait-il qu'un objectif consistant uniquement \u00e0 augmenter les d\u00e9penses de 40% d'ici 2020 ne choque personne ?\nEt si on abandonnait cet objectif de 3% du PIB en d\u00e9penses pour le remplacer par un objectif de rentabilisation maximale de nos capacit\u00e9s de R&D existantes, en coop\u00e9ration avec le secteur priv\u00e9 ?\n\nDans cet abandon des symboles co\u00fbteux, le Cr\u00e9dit d'Imp\u00f4t Recherche devra \u00eatre remplac\u00e9 par un all\u00e8gement g\u00e9n\u00e9ral de la fiscalit\u00e9 sur les entreprises d'un montant \u00e9quivalent. Pour que les entreprises puissent financer leur R&D, il convient que les investisseurs, associ\u00e9s, business angels, et soci\u00e9t\u00e9s elles-m\u00eames soient encourag\u00e9s \u00e0 le faire par la perspective de gains substantiels en cas de succ\u00e8s de la recherche et de sa valorisation. Les labels, machins d'excellence et trucs de comp\u00e9titivit\u00e9 devront dispara\u00eetre, ceux qui les font vivre devront retourner \u00e0 la paillasse. Hormis les recherches directement li\u00e9es \u00e0 ses missions r\u00e9galiennes, l'\u00e9tat devra se poser en abondeur minoritaire et en facilitateur de projets d\u00e9j\u00e0 initi\u00e9s par le secteur priv\u00e9. L'\u00e9valuation devra se faire a posteriori, et admettre de nombreux petits \u00e9checs s'ils sont compens\u00e9s par suffisamment de grands succ\u00e8s. Enfin, les r\u00e8gles et les coutumes de la recherche devront \u00e9voluer pour armer les chercheurs en vue d'entreprendre, ou de s'associer avec des entrepreneurs s'ils n'ont pas eux-m\u00eames la fibre, et pour b\u00e9n\u00e9ficier en cas de succ\u00e8s d'une grande partie du jackpot qu'ils auront constitu\u00e9.\n\n\n\n----\nL'article repris sur Contrepoints :\nhttp://www.contrepoints.org/2014/02/13/156190-rd-machin-dexcellence-et-truc-de-competitivite\n\n\n<br>\n[[Cat\u00e9gorie:Billet]]\n[[Cat\u00e9gorie:Contrepoints]]\n[[Cat\u00e9gorie:Etat]]\n[[Cat\u00e9gorie:R\u00e9gulation]]\n[[Cat\u00e9gorie:Rona]]\n\n\n<!-- illustrations UpLib -->"
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