Immigration/Le repli sur soi de la France

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Depuis 2011, la guerre civile fait rage en Syrie et en Libye. Depuis 2014, une créature de la guerre civile syrienne, Daesh, s'est répandue en territoire irakien. Rien que pour la seule Syrie, la lecture du chapeau de la notice wikipedia nous apprend qu'il y a 11 millions de déplacés, soit à peu près la moitié de la population estimée avant la guerre. Fuyant les destruction, la brutalité des combats et des différentes force en présence, il y a bien sûr de nombreux réfugiés qui ont quitté le pays, d'abord pour les états voisins. Des camps y ont été installés. Mais comme la guerre dure depuis 4 ans et demi, l'espoir d'une solution quelconque au conflit semble toujours lointaine, l'afflux de réfugiés continue. De plus en plus de ces réfugiés cherchent donc des solutions définitives, plus loin de leur pays d'origine, vers des pays où ils espèrent pouvoir vivre en paix. Cela les amène naturellement à vouloir venir en Europe et particulièrement dans les pays les plus riches, en Europe de l'Ouest, où la paix civile règne, quoiqu'on puisse en penser, depuis 70 ans. Et c'est ainsi que les demandes d'asile sont en forte augmentation depuis 2011.

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Quant aux demandes acceptées, on peut voir l'évolution sur les 2 graphes ci-dessous. La Suède ne figure pas sur le 2e graphe, du fait du grand nombre de demandes acceptées par rapport à la population: près de 3000 demandes acceptées par million d'habitant. Pour mémoire et permettre une comparaison, l'accroissement naturel de la population française est d'environ 0.4% soit 4000 par million d'habitants. The Economist propose aussi un graphe plus complet. On peut y constater que la France est le troisième pays qui accepte le moins facilement d'accorder l'asile, après la Hongrie, dirigée par un parti flirtant avec l'extrême-droite, et la Grèce, dont on connaît les difficultés actuelles.

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Ces graphes semblent indiquer quelque chose d'assez logique: bien loin d'être le résultat d'un accroissement de la misère dans le monde, l'afflux actuel d'immigrants est dû aux guerres civiles et aux réfugiés qu'elles engendrent. Cela semble confirmé par les chiffres de l'ONU.

Pendant ce temps-là en France, la rhétorique des partis classiques se sert toujours des immigrants économiques — ou de ceux qui voudraient vivre des aides sociales — pour refuser autant que faire se peut d’accueillir ces réfugiés. La semaine dernière sur Europe 1, Laurent Fabius a disserté sur la nécessité de ne pas accueillir les migrants économiques. Ce dimanche, Alain Juppé a fait de même en rajoutant un agrandissement de la liste des «pays sûrs», cette fiction légale qui permet de déclarer sûrs des pays qui n'en sont pas vraiment. Cette semaine, j'ai pu entendre Christian Estrosi qui demandait peu ou prou qu'on coule à peu près tous les navires en dehors de l'Union Européenne poru éviter qu'ils ne servent aux passeurs tout en proclamant, bien sûr, son attachement au droit d'asile. François Hollande a finalement accepté le principe de quotas de réfugiés, qu'il refusait jusque là, mais c'est après la publication de la photo d'un enfant mort sur une plage.

Il faut dire que nos dirigeants sont assez représentatifs de la position moyenne des Français. La semaine dernière, un sondage rapportait que 56% étaient opposés à l’accueil des réfugiés. Ce dimanche, un autre sondage donnait à peu près les mêmes proportions. En prime, on voyait que les personnes interrogées affirmaient que la France était aussi voire plus accueillante que l'Allemagne! Comme on vient de le voir et même sans prendre en compte les évènement récents, ce n'est absolument pas le cas et la France est nettement plus restrictive. Cette perception est favorisée par les dirigeants qui ne manquent pas de jouer sur «la France, pays des Droits de l'Homme», mais en même temps, les dirigeants continuent à le dire sans doute parce qu'ils savent que ce préjugé de la France très accueillante est bien ancré dans la population.

L'impression qui se dégage est que les politiques modérés ont disparu, préfèrent se taire ou suivre la rhétorique dominante sur la question. Au fond, il semble quand même bien que les Français soient de plus en plus hostiles à l'immigration et c'est pour ça que des discours plus violents se rencontrent plus souvent de nos jours: il ne me semble pas que dans les années 90, un dirigeant de haut niveau au RPR ou à l'UDF aurait appelé à couler des bateaux. De la même façon, il semble bien qu'être opposé à l'immigration est un plus pour obtenir des voix de nos jours: on a donc de plus en plus d'élus clairement opposés à l'accueil d'étrangers en France, quelle qu'en puisse être la raison et quelle que puisse être la situation internationale, guerres civiles ou pas. C'est malheureusement cohérent avec un repli sur soi de la population française et avec une disparition progressive des discours rationnels dans la vie publique. Ce n'est pas un secret que ce blog se lamente régulièrement sur le manque de prise des arguments raisonnables sur des questions diverses comme les OGMs ou le nucléaire. Là encore, on a un exemple similaire: en dépit d'indices très concordants, il semble bien que les Français soient imperméables pour une bonne part à un discours de vérité qui lie l'arrivée actuelle d'étranger aux guerres civiles qui s'éternisent au Proche-Orient. Malheureusement, on pourrait être engagé dans une sorte de cercle vicieux, où un sentiment de déclin fait préférer des positions plus extrêmes et moins basées sur l'analyse des faits, ce qui n'aboutit qu'à des échecs et à une perpétuation du sentiment de déclin.