Les debuts chaotiques de la loi sur le renseignement

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Un nième exemple où pendant que l'état crée des lois pour (mieux exploiter) la populace, lui-même se contre-fiche intégralement de les respecter.

« Celui qui fait exécuter les lois doit y être soumis. » - Montesquieu

"Corruptissima republica plurimae leges". Plus l'état est corrompu, plus il y a de lois. - Tacite

L’article qui suit est librement repris du blog http://lePIscope.com sur lequel il a été initialement publié le 22 septembre 2015 sous licence CC BY-ND 3.0.



De l’impossible nomination des membres de la nouvelle Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement

Par Paul Nicoud et Xavier Hofman

Three legs de Quinn Dombrowski – CC BY-SA 2.0

Le 15 septembre dernier, le Conseil d’État a dévoilé les noms de ceux de ses membres qu’il a retenus pour le représenter au sein de la nouvelle Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Cette nouvelle autorité, créée par la récente loi sur le renseignement du 24 juillet 2015, a vocation à remplacer la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) qui avait jusqu’à présent la charge de vérifier la légalité des écoutes effectuées sur demande du Premier Ministre. Dans son communiqué de presse, le Conseil d’État explique que, pour nommer ces membres, il s’est fondé sur l’article L. 831-1 du code de la sécurité intérieure (CSI).

Le même jour, le gouvernement nous informait que la Cour de cassation avait également procédé à la nomination des deux membres qu’il lui appartenait de choisir afin qu’ils siègent au sein de cette nouvelle commission. Cette fois, pourtant, le communiqué ne comportait aucune indication sur le fondement juridique de cette nomination.

Dans la foulée, l’Élysée annonçait que le Président de la République envisageait de nommer en tant que président de la CNCTR, Monsieur Francis DELON, l’un des deux membres de la CNCTR choisi par le Conseil d’État.

Il nous semble que ces nominations ne vont pas sans soulever quelques interrogations.

Ainsi, comment le Conseil d’État et la Cour de cassation peuvent-ils nommer des membres auprès de la CNCTR alors que l’article du Code de la sécurité intérieure qui leur confère ce pouvoir n’est pas encore entré en vigueur ?

La loi sur le renseignement, prise en son article 2, a créé un article L. 831-1 au sein du code de la sécurité intérieure qui détermine la composition de la CNCTR et les modalités de nomination et de désignation de ses membres, y compris de son président.

Selon cet article, la CNCTR est composée de neuf membres :

  • deux députés et deux sénateurs désignés respectivement par l’Assemblée nationale et le Sénat,
  • deux membres du Conseil d’État nommés par le vice-président du Conseil d’État,
  • deux magistrats de la Cour de cassation nommés conjointement par le premier président et le procureur général de la Cour de cassation,
  • une personnalité qualifiée pour sa connaissance en matière de communications électroniques, nommé sur proposition de l’ARCEP, l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Le président de la CNCTR doit, quant à lui, être nommé par décret du Président de la République ; celui-ci devant choisir parmi les membres désignés par le Conseil d’État ou la Cour de cassation.

Break on through de Sebastiano Pitruzzello – CC BY-NC-ND 2.0

C’est sur le fondement exprès de cet article L. 831-1 CSI que le Conseil d’État a exercé son pouvoir de nomination : « En application de l’article L.831-1 du code de la sécurité intérieure résultant de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, il incombe au vice-président du Conseil d’État de nommer deux des neuf membres de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

(…)

Pour siéger au sein de la nouvelle Commission, le vice-président a nommé deux membres du Conseil d’État dont les titres et les qualités sont également éminents (…) »

Or, cet article n’est pas encore entré en vigueur.

En effet, l’article 2 de la loi sur le renseignement, qui a notamment pour vocation d’introduire cet article L. 831-1 au sein du code de la sécurité intérieure, fait partie de ceux dont l’entrée en vigueur est retardée jusqu’à la publication du décret devant nommer le président de la CNCTR ( cf. article 26 de la loi sur le renseignement).

Sauf erreur de notre part, ce décret n’est pas encore paru.

Par conséquent, l’article L. 831-1 n’a pas pu entrer en vigueur et ni le Conseil d’État ni la Cour de cassation ne sont dès lors habilités à procéder à une quelconque nomination au sein de la CNCTR.

Il nous semble donc que les nominations opérées par le Conseil d’État et la Cour de cassation sont totalement dépourvues de fondement juridique et, dès lors, sans effet.

Si ces nominations devaient être maintenues en l’état, elles fragiliseraient, outre la CNCTR elle-même dès sa naissance, mais surtout à travers elle, le peu de garanties que la loi sur le renseignement accordait encore aux citoyens.

À suivre …




L'article original (sous licence CC) : http://lepiscope.com/2015/09/22/les-debuts-chaotiques-de-la-loi-sur-le-renseignement/
Par Paul Nicoud et Xavier Hofman (Première parution de l'article : 22/9/2015)


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